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Franck Ngyke Kangundu : un Martyr Oublié par la République...

Hommage à mon Père, 

Hommage à notre confrère,

Franck Ngyke Kangundu, de son vrai nom François Kangundu Kengy, est un nom gravé dans la mémoire collective des défenseurs de la liberté de la presse en République Démocratique du Congo (RDC). Né à Kinzambi dans la province du Kwilu, le 28 juin 1953, ce journaliste chevronné de la presse écrite a marqué les esprits par son engagement inébranlable en faveur de la démocratie, de la justice sociale et contre la corruption.

Le 2 novembre 2005, la voix de Franck Ngyke a été brutalement réduite au silence. Agé de 52 ans, il a été froidement assassiné avec son épouse devant leurs enfants, dans leur résidence du quartier Mombele à Kinshasa. Ce crime odieux n'a pas seulement éteint la vie d'un homme et de sa femme, mais il a aussi laissé une cicatrice indélébile sur le paysage médiatique congolais.

Franck Ngyke n'était pas un artisan de la violence. Au contraire, ses analyses objectives et ses écrits publiés dans le quotidien *La Référence Plus* étaient respectés même dans les milieux politiques congolais. Il avait également travaillé pour l'Agence Zaïroise de Presse, devenue aujourd'hui l'Agence Congolaise de Presse (ACP).

Dix-neuf ans après son assassinat, l'une des filles de Franck Ngyke, Grâce Israëlla Mambu Kangundu Ngyke s'est engagée dans une lutte pour la reconnaissance nationale des journalistes assassinés en RDC. Son plaidoyer vise à honorer la mémoire des 22 journalistes tués en RDC en les élevant au rang de Martyrs de la Liberté de la Presse. Elle appelle également à la construction d'un monument en leur mémoire et à une réparation judiciaire en faveur des orphelins de ces journalistes.

Le combat de Franck Ngyke pour une presse libre et équitable demeure une source d'inspiration. 

Il est crucial que son sacrifice, ainsi que celui de nombreux autres, ne soit pas oublié par la République. Leur mémoire et leur lutte pour la vérité et la justice doivent continuer à vivre à travers les générations futures.

Acofepe-Rdc

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Un incendie au Camp Kokolo

 

(Par Jean Pierre Kambila Kankwende)

Le camp militaire « Lieutenant-Colonel Kokolo » représente  certainement la plus grande place militaire de la Capitale congolaise. Un incendie s’y est produit le samedi 22 juin 2024. Ce feu m’a plongé dans une sorte de mélancolie,  m’a révolté et m’a inspiré ce petit texte de courroux.

Pour nous qui sommes nés et avons grandi dans cette mégalopole, le camp Kokolo n’est pas seulement un lieu, mais tout un symbole. Cet endroit nous rappelle notre joyeuse enfance, notre insouciante jeunesse et comment nous vivions dans Lipopo-Kin la belle qui, croyez-moi n’a rien à avoir avec ce que nous voyons depuis quelques décennies.

Dans ma petite cervelle de nostalgique impénitent, le camp Kokolo était un lieu spécial ; il est certes toujours et encore l’habitat des militaires ; mais c’était surtout un lieu inspirant le respect, l’ordre et la discipline. A l’entrée du camp se trouvait toujours un soldat en faction, immobile, imperturbable, impeccablement vêtu, arme en bandoulière ; il imposait sans le moindre mot le respect absolu. 

Dans cet endroit tout était bien ordonné ; des arbres toujours de la même espèce, soigneusement taillés, longeaient des rues extrêmement propres donnant soit sur les villas cossues des officiers ou les maisonnettes bien rangées des soldats.

On y était accueilli par un silence apaisant  que caressaient, de temps à autre, des légers crescendos flûtant des rossignols ou des doux chuchotements des moineaux multicolores. Quelques fois, des hululements des hiboux terrifiants pour les garnements que nous étions ; sortaient des cimes des immenses manguiers en direction desquels, malgré nos envies et nos audacieuses idioties, nous n’osions  pas exercer nos talents de lanceurs de pierres.  Qui pouvait oser perturber le calme et la sérénité de ce temple de la Force Publique ?

De ce lieu symbole de l’organisation et de l’ordre j’ai reçu ce samedi des images d’une tristesse inouïe. J’ai vu, comme chacun, une de ces maisons en briques cuites datant des années quarante du siècle passé prendre feu devant des badauds impuissants tournant en rond autour de cette vieille bâtisse  qui se consumait sans qu’aucune réaction rationnelle ne vienne de nulle part.

Et moi, dans un confortable fauteuil, le téléphone à la main, les yeux rivés sur l’écran, oscillant entre honte et colère, la révolte a failli m’étouffer.

Comment expliquer ceci ? Pourquoi cette incapacité ? Les personnes présentes  sur le lieu ne faisaient que se lamenter autour de la maison en feu, certains pleurant, d’autres vociférant.  J’ai été stupéfait de constater que ce grand camp militaire ne dispose pas d’un véhicule anti-incendie capable d’intervenir rapidement dans pareille situation. De la vidéo, on peut prendre conscience que quelques enfants risquaient encore leurs vies dans la maison en flammes, alors que des désœuvrés impuissants polémiquaient dehors sur la possibilité ou pas pour le feu d’atteindre le coin qui leur servait de refuge.

Apparemment, il n’y avait même pas, dans cet entourage, un marteau pour casser et élargir une fenêtre par laquelle sauver les enfants. Et nous avions vu à l’image le feu se rapprocher du dérisoire refuge des gamins. S’en sont-ils sortis vivants ?

Sommes-nous devenus si incapables pour avoir des réactions  rationnelles afin de faire face au danger ? 

Je me rappelle, qu’enfants, nous recevions dans les organisations de la jeunesse (Scouts, Joc, Xavériens ou Croix rouge) des enseignements sur les bonnes réactions  à mettre en œuvre en cas de danger.

Et même dans nos quartiers populaires, en cas de survenance de ce genre d’incidents malheureux, il y avait toujours un « grand » qui surgissait pour ordonnancer la lutte contre le danger en motivant les uns et organisant le secours aux infortunés.

Qu’est  ce qui nous arrive ? Qu’est devenue notre société ? Devant un tel  drame, nous n’avons pas vu émerger un quelconque leadership circonstanciel qui aurait pris les choses en mains pour tenter un sauvetage… même imparfait.

Comment expliquer cette situation, cette irresponsabilité ? Qui blâmer ?  Est-il normal de vivre ce genre de drame comme des simples faits divers ?

Où se cachent nos philosophes et sociologues pour analyser ce mal ? Où sont nos sociaux-psychologues pour proposer des remèdes.

Ces différentes tragédies viennent-elles nous révéler ce que nous sommes réellement ? Est-ce seulement un long moment de distraction, de perdition ?

Quelle que soit la direction que prendront nos réflexions, il s’impose que nous nous remettions véritablement en question. Il faut sortir de l’aveuglement et du refus du bon sens, de ce que nous qualifions de « logique ».

Ne voyons-nous pas que les sociétés empreintes de logique avancent plus que la nôtre ?

Merci.

Un incendie au Camp Kokolo
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Kagame, fossoyeur du panafricanisme

(Par Jean Pierre Kambila Kankwende)

En ce premier quart du XXIème siècle, la pratique politique respective de deux leaders africains attire l’attention des penseurs  en ce qui concerne  l’avenir de l’idéal panafricain. J’évoque ici, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo et Paul Kagame, présidents, respectivement de la RDC et du Rwanda. Ces deux leaders s’affrontent dans une guerre réelle et sanglante, mais non déclarée officiellement, car sournoisement présentée comme une rébellion interne par l’agresseur. 

Un précieux héritage saboté

Nos deux pays, comme tant d’autres pays africains, ont hérité de l’histoire des peuples noirs en général et africains en particulier, une charge précieuse qu’il  convient de préserver et de ne pas trahir.  Il s’agit du panafricanisme. Dans quel état cette idéologie qui suscita tant d’espoirs et qui continue d’être portée comme un objectif majeur des nouvelles générations sortira-t-elle de l’agression actuelle de la RDC par le Rwanda ?

Qu’est-ce que le panafricanisme ? 

 

Le panafricanisme se définit comme un courant de pensée ou un mouvement intellectuel qui plonge ses racines dans l’histoire des peuples noirs depuis le XVIIIème siècle à travers les luttes contre l’esclavage,  notamment en Amérique du Nord.  C'est autour de cet idéal que les milieux politico-intellectuels des anciens esclaves noirs de la diaspora des Amériques prêchaient un éventuel retour vers une Afrique que ces pionniers imaginaient unifiée, indépendante, libre et prospère. Aux sources de cet idéal, l’histoire retient les noms de l’antillais Ŵ.E.B. Dubois, George Padmore originaire de Trinidad et Tobago ainsi que Marcus Garvey de la Jamaïque. 

Ce mouvement de rédemption, de modernisation et d’unité de l’Afrique tiendra son premier congrès  à  Londres, à l’initiative de Henry Sylvestre Williams en 1900, avec comme thèmes centraux la lutte contre les discriminations, le retour volontaire en Afrique, l’indépendance des nations africaines et leurs développements.

Panafricanisme, souveraineté et unité africaine

Le mouvement atteindra les consciences des élites africaines qui s’éveillaient aux réalités du monde dès la sortie de la seconde guerre mondiale. Le congrès  panafricain de Manchester en 1945 - auquel prendront part notamment  Nkwame Nkrumah et Jomo Kenyatta -  aura un impact considérable dans la propagation des idéaux et des mouvements indépendantistes en Afrique.  La conférence de Bandung de 1958, représentera également un moment important dans l’affermissement de l’idéal de liberté tant de l’ensemble des colonies de l’époque que des pays africains.

La vague des indépendances des années 1950 à 1960, en Afrique, puisera son énergie dans les idéaux du panafricanisme, c’est ainsi que tous les grands leaders de la lutte anticoloniale du continent placeront le combat de l’émancipation sous l’égide des valeurs panafricanistes.

Les personnalités historiques de grande envergure telles que Nkwame Nkrumah, Ahmed Sékou Touré, Jomo Kenyatta,  Félix Roland Moumié, Milton Oboté, Patrice Lumumba, Julius Nyerere et bien d’autres ont rejoint le panthéon des pères fondateurs de ce grand mouvement  de recherche de la dignité de l’homme noir. 

Sans les idéaux du panafricanisme, les colonies portugaises d’Afrique n’auraient pas connu le destin de gloire qui a été le leur.  La figure emblématique de Nelson Mandela doit également son essor aux idéaux de ce mouvement politique.

L’Organisation pour l’Unité Africaine,  créée en 1963 à Addis-Abeba, dont est née l’Union Africaine actuelle, avait été conçue et organisée au départ des valeurs et idéaux du panafricanisme originel. C’est ainsi qu’on trouve - dans la Charte de cette organisation et en bonne place -  les notions d’indépendance, de liberté, de paix, de solidarité, de coopération et d’unité entre les États africains.

C’est surtout sur le principe de l’inviolabilité des frontières héritées de la colonisation et la coopération entre les Etats naissants que le panafricanisme à réellement marqué de son empreinte l’Afrique contemporaine. 

Remise en cause de l’idéal panafricaniste

Voilà que, par sa déclaration intempestive et ses actes de 1994, sur la possibilité de revoir le tracé des frontières de Berlin de 1885, le FPR de Kagame remettait en cause une des assises/pilier du panafricanisme : la coexistence pacifique entre les nations africaines. De plus, à dater de cette époque, en contradiction flagrante avec les valeurs et principes du panafricanisme, Paul Kagame n’a cessé de piller sauvagement les ressources naturelles de la République démocratique du Congo. Par différentes méthodes, le dictateur ne se lasse pas  de dévaluer l’image de son voisin sur la scène internationale. Suivant le modèle guerrier du Moyen-âge européen, il s’acharne à  modifier la démographie du Kivu par le génocide des autochtones et leur remplacement  par des populations d’origine rwandaise pour pouvoir ainsi justifier sa prochaine remise en cause de la règle panafricaine de l’intangibilité des frontières de 1963.

Par sa politique agressive, le président rwandais a foulé aux pieds toutes les valeurs du panafricanisme et prend le risque de dévaluer définitivement cette idéologie dans l’esprit des africains.  L’unité africaine, globale ou régionale, doit se concrétiser par des voies volontaires et pacifiques ; non par la violence, sous le couvert des puissances étrangères.

Face à cette politique négative pour le panafricanisme, Felix Tshisekedi a eu une attitude radicalement différente en se montrant très ouvert à l’égard de tous les voisins et notamment du Rwanda. Souvenons-nous que, malgré le passé que Felix Tshisekedi n’ignorait pas, Kagame avait été visité de nombreuses fois, accueilli en ami à Kinshasa et qualifié de frère ;  et dans cet ordre d’idée des propositions de collaboration étroite et équilibrées lui avaient été faite. Malheureusement, enfermé dans sa bulle agressive, l’homme de Kigali persévère toujours dans sa volonté expansionniste contraire aux intérêts du panafricanisme.

Pour que le panafricanisme survive et que triomphent un jour  les idéaux de dignité des pères fondateurs de l’Afrique indépendante, il faut que Paul Kagame  abandonne son projet expansionniste, retire ses troupes de la RDC et renonce à son rôle de chien de garde des intérêts impérialistes en Afrique.  

Ainsi, notre continent retrouvera la route tracée par Nkwame Nkrumah, Sékou Touré, Gamal Abdel Nasser, Patrice Emery Lumumba, Julius Nyerere, Jomo Kenyatta, Kenneth Kaunda, Nelson Mandela et tant d’autres illustres leaders panafricanistes.

Merci.

Kagame, fossoyeur du panafricanisme
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Destruction du football congolais : Sabin Masini à la machine !

Son nom est sur toutes les lèvres des amoureux du football à la veille de la finale de la 58ème édition de la Coupe du Congo. Sabin Masini, membre du comité de normalisation de la fédération congolaise de football association. Connu pour sa proximité avec l’AS V.club de Kinshasa, ce dirigeant sportif fait parler de lui, mais en mal.

L’opinion s’interroge comment celui qui a bénéficié de l’ascension pour siéger au comité de l’équipe chargée de remettre sur les rails le football congolais, peut se comprendre au point de marcher aux antipodes des objectifs assignés à son comité, principalement celui de normaliser le football. Il est reproché à Sabin Masini de s’être personnellement investi pour obtenir la qualification de l’AS V.Club à la Coupe de la confédération africaine par des voies aussi bien illégales qu’immorales. La sale besogne du membre du CONOR de la FECOFA a été mise à nu par Christian Kitungwa, président du FC Tanganyika et gouverneur de la province éponyme. Le mécène sportif l’a dénoncé lors de son coup de gueule ayant suivi l’élimination de son équipe. Celui que la jeunesse du Tanganyika a surnommé Magufuli (en référence au défunt président humaniste tanzanien) a expliqué, non sans raison, comment le membre du CONOR précité a désigné verbalement les arbitres de son obédience, à moins de 30 minutes du coup d’envoi du match après avoir opéré trois changements auparavant, comme le prouve cet extrait de son point de presse : 

"Le FC Tanganyika n'est pas un mauvais perdant, mais n'accepte pas qu'on lui vole ce qui lui revient. Le football est et reste une école de loyauté et de fair play. Il marche avec des normes et des règlements qui, une fois biaisés par ceux qui sont supposés en assurer le respect, on dit bonjour à la jungle. Le FC Tanganyika vient d'être victime de cette jungle de la part de l'organisateur de la coupe du Congo, mieux de la part d'un influent membre du CONOR qui s'est brusquement souvenu de ses accointances avec un club présentant au titre pour l'imposer comme vainqueur de la 58ème édition de la coupe du Congo, parce que le FC Tanganyika fait peur. 

Pour ce faire, ce membre a tripatouillé la désignation des arbitres passant outre toutes les règles de l'art et imposer ses subis au vestiaire. En clair, le FC Tanganyika vient de jouer un match avec des officiels désignés verbalement. Ce membre-là, on l'a vu sillonner les bureaux après bureaux pour atteindre son objectif. Voilà comment ceux qui ont la charge de développer le football en République démocratique du Congo découragent les bonnes volontés. 

Nous avons accepté les injustices du départ en voyageant tour à tour pour Kindu puis à Kinshasa. Alors que les équipes que l'on protège sont restées tranquillement à domicile…Messieurs et mesdames de la presse, nous comptons sur vous pour dénoncer ce fossoyeur du football en République démocratique du Congo. La chose pour laquelle nous devons avoir peur, c'est la peur et le FC Tanganyika n'en a pas eu”. 

Pour certains observateurs qui pensent de la même manière que le président du FC Tanganyika, le match de la finale de la 58ème édition de la coupe du Congo ne sera qu’une simple formalité. Ils préviennent une complaisance qui participera au sacré de l'équipe protégée de Sabin Masini (V.club) si bien que le président de Céleste FC est membre du comité de la formation programmée pour gagner cette édition.

MM/CP

Destruction du football congolais : Sabin Masini à la machine !
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Le Nouvel Ordre Mondial oblige l’Afrique à penser différemment son rapport à la mondialisation

(Chronique de Christian Gambotti)
Agrégé de l’Université – Président du Think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) - Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
Vers un nécessaire rééquilibrage au profit de l’Afrique
 Je l’ai écrit très souvent, dans plusieurs de mes chroniques, l’Afrique a toujours porté le lourd fardeau de l’Histoire, ce qui l’a empêchée d’être elle-même : la colonisation l’a projetée hors de son identité ; les indépendances politiques se déroulent en pleine période la Guerre froide, ce qui l’oblige, dans un monde bipolaire, à choisir entre le camp du monde libre et celui du bloc soviétique ;  à la fin de la « Guerre froide », comme elle ne représente plus un enjeu idéologique, l’Afrique est oubliée, marginalisée, livrée à elle-même, victime d’un néocolonialisme qui ne dit pas son nom et des appétits d’une Chine qui s’empare du continent à bas bruit ; au XXIè siècle, parce qu’elle est devenue un formidable enjeu géoéconomique, géopolitique et géostratégique, l’Afrique est courtisée par la planète entière.
Entretemps, le monde est devenu multipolaire, la mondialisation s’est fragmentée, des grandes zones géographiques se livrent des guerres d’influence et des guerres économiques d’une violence inouïe.  Quelles sont ces grandes zones ? Pour simplifier, on distinguera les zones suivantes : le monde chinois, américain, européen, russe, turc, musulman, indien, brésilien, etc. Chacun de ces mondes regarde avec convoitise les richesses naturelles de l’Afrique. Entretemps, une autre segmentation du monde, qui met en scène l’affrontement entre le « Sud global » et l’« Occident collectif », se construit, entraînant sur l’Afrique de nouvelles pressions économiques, politiques et géopolitiques. Symbole de cette nouvelle segmentation du monde, deux événements se déroulent au même moment : d’un côté, tournant le dos à l’Occident, le Forum de Saint-Pétersbourg, sorte de « Davos russe » qui s’est achevé le 9 juin 2024, et, de l’autre, en Suisse, les 15 et 16 juin 2024, réunissant 90 pays, une conférence internationale sur la paix en relation avec la guerre russo-ukrainienne. La Russie n’est pas invitée à cette conférence sur la paix et la Chine a annoncé ne pas s’y rendre.
Face à un monde russe en rupture avec l’Occident et une conférence internationale pour la paix qui tourne le dos à Poutine, face à ses anciens et ses nouveaux « amis », l’Afrique, pour être elle-même, doit résister aux pressions de Moscou, Pékin, Washington, Paris, Ankara, Téhéran, etc., dès l’instant que ces pressions l’obligeraient à choisir un camp, retarderaient son développement, feraient reculer la démocratie et nieraient à chaque Etat le droit d’exercer sa pleine souveraineté pour décider de la trajectoire de son développement. Or, pour de multiples raisons largement documentées, de nombreux alliés sont, pour l’Afrique, des alliés encombrants, que ce soit Moscou, Pékin, Washington ou Paris. En même temps, tous ses alliés sont, pour elle, des alliés indispensables dans les nouvelles dynamiques des relations internationales.  Mais, rien n’est possible pour l’Afrique sans que ne s’opère, au profit du continent, un grand rééquilibrage économique et politique.
Le rééquilibrage économique
Le rééquilibrage économique est-il en train de se produire, lorsque la RDC renégocie avec la Chine le méga contrat minier signé par Kabila avec la Chine ? Lorsque les nouvelles autorités sénégalaises affirment que les contrats signés avec les grandes firmes internationales pour l’exploitation de la manne pétrolière sont négociés dans l’intérêt du pays et des populations ? Lorsque le Gabon accélère les nationalisations, afin de marquer le retour de la souveraineté du pays dans le secteur pétrolier, poumon de son économie ? Ce rééquilibrage économique ne doit pas être relatif, ce qui suppose que soient repensées toutes les formes d’aides et de financements destinées à l’Afrique. Les prêts, avec la succession des annulations et des restructurations de la dette africaine, ne constituent pas une réponse suffisante, dès l’instant que la croissance démographique, toujours exponentielle et vertigineuse sur le continent, annule les effets de la croissance économique, toujours insuffisante. La croissance démographique a, dans tous les domaines, un impact négatif sur la croissance économique, ce qui engage la responsabilité de la communauté internationale.
Le rééquilibrage politique
Il a toujours fallu, pour les Etats africains, qu’ils fassent preuve, selon les époques, d’une allégeance massive à un camp pour bénéficier de l’aide de leurs alliés. On a pu parler de la Françafrique, de la Chinafrique et, aujourd’hui, de la Russafrique. Isolée sur la scène internationale, la Russie veut faire de l’Afrique son soutien sur la scène diplomatique L’ex-groupe privé paramilitaire russe Wagner (1) qui, sous couvert d’une offre de sécurité aux pays et aux dirigeants qui font appel à lui, a permis à Poutine de s’emparer de l’Afrique. Mais, l’Afrique est loin de répondre aux attentes de Poutine et les dirigeants africains ne se déplacent pas en masse pour soutenir la Russie dans ses visées expansionnistes et néocolonialistes. Seuls les Etats sahéliens où se sont déroulés des putschs militaires font allégeance à Moscou. Il suffit d’écouter les discours du Capitaine Traoré, président de la transition au Burkina Faso, de Goïta au Mali et du général Tchiani au Niger pour s’en convaincre. Il existe, en Afrique, des sensibilités politiques différentes. Les dirigeants africains qui se sont rendus à Moscou ou qui répondent à une invitation pour participer au Sommet de Saint-Pétersbourg ne le font pas pour de simples raisons protocolaires. L’objectif de l’Afrique est de diversifier ses partenariats économiques et ses alliances politiques, afin d’en tirer des avantages. Mais, rares sont ceux qui veulent figurer sur une photo de famille poutinienne qui témoignerait d’une allégeance politique à Moscou. Dirigée par le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui était accompagné par les présidents de la Zambie, des Comores, du Sénégal, ainsi que des représentants congolais, ougandais et égyptien, la délégation africaine qui a proposé un plan de paix pour mettre fin à la guerre en Ukraine s’est rendue au Sommet de Saint-Pétersbourg en 2023, après s’être rendue la veille à Kiev. Certes, Poutine, par pure politesse diplomatique, largement opportuniste et totalement hypocrite, a salué l’« approche équilibrée » des dirigeants Africains sur la guerre en Ukraine, sans accepter leur plan de paix.
Le rééquilibrage diplomatique
La présence des dirigeants africains à Kiev et à Moscou est une bonne chose, car elle montre que l’Afrique entend  participer de plus en plus à l’intense  ballet diplomatique des nouvelles relations internationales. Elle veut faire entendre sa voix de trois manières : de façon collective à travers l’Union africaine ; de façon souveraine pour chaque Etat ; de façon consensuelle dans les instances internationales. Sur la guerre en Ukraine, le Monde Diplomatique du 2 mars 2022 décomptait ainsi les votes lors de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’agression russe en Ukraine : la moitié des pays n’ayant pas soutenu le texte étaient africains (17 abstentions sur 35, un vote contre), 8 États du continent n’ont même pas pris part au vote en « inaugurant une pratique désormais bien installée d’absentéisme calculé » Commentaire du Monde diplomatique : « L’Afrique est à la fois la région la plus réticente à suivre le mouvement de condamnation et la plus divisée dans la réaction au conflit, 50 % environ de ses capitales seulement approuvant les textes soumis à leur appréciation».
J’entends dire, dans toutes les capitales du monde, « l’Afrique est notre avenir », ce qui n’est pas sans lien avec les richesses naturelles dont regorge le continent : matières premières brutes agricoles (cacao), minières (or, diamant, minerais critiques) ou fossiles (pétrole, gaz). Avant d’être l’avenir des autres, l’Afrique doit construire son propre avenir. Pour cela, il lui faut se réapproprier son sol et son sous-sol, en assurer la gestion et faire descendre les richesses produites jusqu’aux populations.
C’est exactement la feuille de route tracée par le Président de la République, Félix Tshisekedi, et que Mme la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, vient de présenter à la représentation parlementaire. Le programme du gouvernement a été très largement approuvé par l’Assemblée nationale, les députés adoptant par 397 voix sur 405 votants les orientations de la Première ministre. Selon le Président de l’assemblée nationale, Vital Kamerhe, « les richesses minières de la RDC suscitent l’avidité des puissances locales (Rwanda, Ouganda) et globales (Chine, Etats-Unis) (2). Il est urgent que la RDC se donne les moyens de résister aux pressions économiques, politiques et diplomatiques qui viennent de l’étranger. La représentation parlementaire votera les lois qui permettront à notre pays de se réapproprier ses richesses».
  • Wagner a exercé une forme de prédation sur des ressources et les richesses du continent (or, diamant, minerais).
  • La renégociation du méga-contrat « Ressources naturelles contre infrastructures » signé par Kabila entre la RDC et la Chine en 2008 est au cœur des discussions entre Kinshasa et Pékin. Très désavantagée par c et accord, la RDC souhaite en corriger les déséquilibres.
 
Le Nouvel Ordre Mondial oblige l’Afrique à penser différemment son rapport à la mondialisation
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