Le procès contre Joseph Kabila : un procès absurde et de procédure branlante

(Par Professeur Florent Gabati)
Au moment où s’ouvre le procès Joseph Kabila à la Haute Cour Militaire de la RDC, il nous faut dire que cette affaire est révélatrice de l’état du pouvoir actuel adoptant une vision cynique et pessimiste des relations entre les différentes figures emblématiques du pays. L’événement reste fort : un procès hors norme d’un ancien président qui a offert sur un plateau en or le pouvoir à son successeur, et en arrière-plan il y a toute cette nouvelle présidence déficitaire qui veut se payer Joseph Kabila. Pour n’importe quel citoyen congolais, ces avanies ne sont qu’un règlement de compte, une salissure qui rejaillit sur le pays au moment où les préoccupations existentielles du peuple congolais sont ailleurs. Avec ce procès de la honte, on touche aujourd’hui à l’absurdité totale du système politique actuel que l’on comprend bien quand il faut regarder le contexte politique actuel où les congolais ont les yeux rivés sur les différents accords de paix pour instaurer la stabilité et organiser un forum national inclusif que tous les patriotes souhaitent de tous leurs vœux.
Nous ne pouvons-nous arc-bouter sur la jurisprudence, mais il faut s’atteler à souligner que cette procédure branlante compromettra son efficacité au regard de plusieurs facteurs, faisceau d’indices. C’est d’ailleurs de la rigolade si l’on pense au désert de preuves. Quand on voit l’acte d’accusation concernant des faits passibles de la peine capitale, les congolais ne peuvent qu’être en état de sidération en se disant que cet élément clé retenu par le procureur militaire concernant le témoignage d’une conversation téléphonique entre Joseph Kabila et un haut responsable du M23 pose le problème de sa fiabilité. La procédure judiciaire est un travail très pointilleux qui se base sur des preuves irréfutables, matériellement incontestables. L’admissibilité d’une conversation téléphonique comme faisceau d’indices dépend de plusieurs facteurs notamment de son authenticité, de la manière dont elle a été obtenue.
Ce procès apporte un coup fatal contre la cohésion nationale et surtout les processus des accords de paix en vigueur. Quelle que soit la décision que cette haute cour militaire prendra, elle est d’ores et déjà prise au piège du battage politique et de la dynamique actuelle des rapports de force. Joseph Kabila pourra bien surfer sur le contexte socio-politique du pays en revenant en selle de manière incontournable dans le nouveau paysage politique de la RDC. In fine ce procès est d’autant plus pernicieux qu’il s’inscrit dans un climat de morosité politique et de marasme économique où les citoyens congolais sont très déçus de la présidence actuelle qui n’améliore pas le train de vie des médecins, fonctionnaires, militaires et policiers congolais au moment où les grandes institutions de l’Etat ne font aucun effort substantiel pour réduire leur voilure. Si l’histoire semble être écrite pour les tenants du pouvoir quant à l’issue de ce procès, rien ne garantit leur survie politique d’ici quelques mois ou deux ans. Certains seront à leur tour poursuivis demain pour leurs crimes politiques, économiques ou biens mal acquis.
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