L’accord de paix par le business en RDC : une grande illusion

(Par Professeur Florent Gabati)
Un accord de paix qui devrait être signé avec le Rwanda le 27 juin à Washington continue de susciter des interrogations sérieuses quant aux conditions d’un changement social positif et au renforcement des capacités de la lutte contre la pauvreté en RDC, pays classé le quatrième le plus pauvre au monde selon le dernier rapport du FMI-Global Finance. Le texte provisoire qui prévoit des dispositions sur le respect de l’intégrité territoire et l’arrêt des hostilités dans l’est du pays résume les préoccupations qui ont toujours été soulevées par Kinshasa et qui restent le credo. En dehors de l’opacité de cet accord en ce qui concerne les intérêts économiques des signataires, il faut cependant relever le problème de la constitutionnalité au regard de l’article 216 que pose un tel accord. Les députés congolais doivent conformément à la constitution siéger pour examiner si cet accord est ATTENTATOIRE aux intérêts vitaux de la RDC.
Depuis Montesquieu, s’est développée l’idée que le business serait vecteur de paix entre les peuples. Pourtant, de la première Guerre mondiale, aux menaces d’un conflit sino-américain autour de la péninsule de Taïwan, en passant par la guerre en Ukraine aujourd’hui, nombreux sont des exemples qui démontrent l’invalidité de cette thèse.
Certes, il faut appréhender la vision de la paix par le business dans le contexte de rapport de force où celui qui domine cette relation vous impose sa perception du monde et défend au mieux ses intérêts à tel point malheureusement les faibles deviennent le dindon de la farce. C’est souvent une histoire d’allocations constantes de rapports de force au travers de la captation d’énormes avantages par rapport aux pays pauvres à laquelle nous assistons de nos jours.
Ainsi, le business ne demeure pas une condition sine qua non à la résolution des conflits armés en RDC. Un Etat décide donc de la pacification de son territoire en fonction de l’évaluation qu’il fait du meilleur moyen ou mécanisme pour trouver des compromis politiques de manière inclusive entre les différents acteurs représentatifs du peuple. Les congolais doivent bien être éclairés face à leurs enjeux existentiels. Le lien entre le Business et la pacification du pays n’est réel seulement que lorsque le business est inclusif des intérêts du peuple, lorsqu’il permet d’augmenter le niveau de vie des populations. Ce n’est que dans ces conditions que le désir de guerre diminue. Aujourd’hui le climat d’affaires reste trop pollué dans notre pays par les affaires de détournement, par la corruption systémique, l’insécurité juridique, le blanchissement de l’argent sale. Qui décide que la corruption, l’impunité, le State capture arrivent en tête dans ce modus operandi ? Le président de la république est comptable de tous ces fléaux. Un pays malade à cause de ses dirigeants n’offre aucune garantie dans le cadre du business, sinon c’est participer à la criminalisation de l’économie du pays et ceux qui y contribuent seront rattrapés par l’histoire politico-judiciaire de la RDC.
L’histoire illustre beaucoup d’exemples où le business pris dans le compte de résolutions des conflits armés dans les pays fragiles ne peut contribuer au développement de nations en faillite, par contre il devient source de tension si les enjeux sociaux, de justice et environnementaux sont bottés en touche. Pour réussir une paix dans le contexte de la RDC il faut que le business s’inscrive dans un cadre institutionnel stable qui encourage la bonne gouvernance, la rationalité économique et lutte contre la corruption et la pauvreté.
Bien que le business puisse bien créer des liens et des interdépendances économiques entre les nations, il ne peut être considéré comme la solution miracle, efficiente, durable pour éradiquer les causes profondes des conflits armés, de la guerre en RDC. C’est pourquoi il faut opter pour une approche plus globale intégrant des facteurs politiques, sociaux, ethniques, terriens pour parvenir à une paix durable et il demeure impérieux dans cette optique d’organiser un forum national inclusif.
La RDC ne doit pas pour les générations futures rassembler une association des charlatans de tout acabit faiseurs d’illusion, des pilleurs qui ne veulent pas se battre pour l’intérêt supérieur de la nation. Quand Honoré Ngbanda dressait un portrait au vitriol de Félix Tshisekedi, c’était pour lancer une alerte sur l’apocalypse du pays si les congolais ne le désavouaient pas à temps. Selon Ngbanda, les trois missions suivantes sonneraient le glas du régime Tshisekedi à savoir : « blanchir l’occupation, endormir le peuple congolais et enfin légaliser l’occupation et la balkanisation. Il faut le neutraliser avant qu’il ne soit trop tard, c’est un paresseux, un ignorant».
Ce n’est pas pour cette raison que l’accord qui sera signé va nous éloigner du spectre des autres conflits armés ou de la guerre. Mr Félix Tshisekedi rêve en disant que la guerre est derrière nous. Est ce qu’il a une armée ? Il est important de ne pas se laisser bercer par des illusions de paix durable. Frédéric Encel disait : « On sait quand et comment la guerre commence, mais on ne sait jamais quand et comment elle se termine ». Avec des dirigeants autoritaires déraisonnables dans leur recours à la force, Fréderic Encel montre que les germes de conflits armés se retrouvent souvent dans les régimes de démocrature. Le monde d’aujourd’hui devient plus trouble où le rapport de force influe sur toutes les dynamiques géopolitiques. En lieu et place de solides réseaux d’alliance ou de partenariat privilégiant les intérêts du peuple, on observe un système relativement flottant des engagements laissant pour compte le bien-être des populations. A fortiori, le spectre de la guerre ne s’éloigne pas de la RDC quel que soit l’accord qui devrait être signé le 27 juin. Le président congolais refuse de voir la réalité en face : un pays avec deux administrations, un pays balkanisé de facto. Le président congolais donne l’impression de gouverner alors qu’il n’a pas de levier sur certains pans du territoire national.
Il est d’acuité de souligner que seule la diplomatie ne suffit pas toujours pour résoudre la guerre, d’ailleurs nous observons aujourd’hui que l’ordre international se façonne dans le rapport de force militaire. Nous avons maintes fois mis en exergue le paradigme de : « si vis pacem, para bellum » dans la défense de la souveraineté nationale. Seuls les médiocres qui dirigent notre pays n’appréhendent pas la quintessence de cette réalité. Comment peut-on enfumer un peuple pour mettre en œuvre comme seul outil précieux la diplomatie congolaise dans la résolution de la guerre ? Face aux armes, à la prolifération des groupes rebelles, la diplomatie reste un parent pauvre.Dans les négociations c’est le rapport de force qui compte et il n’y a que la solution politique à trouver in fine même si c’est toujours pénible à mettre pour autant en selle.
Comments est propulsé par CComment