RDC : le CREEDA invite le peuple congolais à rester vigilant et de se mobiliser contre toute initiative de révision constitutionnelle
Le Centre de Recherches et d’Etudes sur l’Etat de Droit en Afrique (CREEDA) suit avec attention soutenue le débat qui s’installe dans l’opinion publique congolaise autour de la révision de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour. Il salue l’intérêt que les Congolais attachent à la protection de la Constitution pour «préserver les principes démocratiques», consolider l’Etat de droit et lutter contre «les aléas de la vie politique et les révisions intempestives». Pour le CREEDA, toute révision de la Constitution n’est pas bonne pour la République Démocratique du Congo. Il appelle le peuple congolais à rester vigilant et de se mobiliser contre toute initiative de révision constitutionnelle tendant à anéantir les acquis démocratiques et de l’Etat de droit. Ci-après, le communiqué intégral de CREEDA.
REEDA COMMUNIQUE DE PRESSE N°024/CREEDA/2024
Toute révision de la Constitution n’est pas bonne pour la République Démocratique du Congo
Le Centre de Recherches et d’Etudes sur l’Etat de Droit en Afrique (CREEDA) suit avec attention soutenue le débat qui s’installe dans l’opinion publique congolaise autour de la révision de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour. Il salue l’intérêt que les Congolais attachent à la protection de la Constitution pour «préserver les principes démocratiques», consolider l’Etat de droit et lutter contre «les aléas de la vie politique et les révisions intempestives ».
Pour ce faire, le CREEDA rappelle que :
1. Toute Constitution d’un pays peut être révisée. Par ce fait, la Constitution du 18 février 2006 actuellement en vigueur en RDC peut être révisée suivant la procédure, le moment et les matières concernées conformément à ses dispositions ;
2. L’article 125 alinéa 2 dispose que la Constitution doit être révisée suivant la procédure normale d’adoption d’un projet ou d’une proposition de loi. Tout procédé d’urgence de révision constitutionnelle est interdit ;
3. Conformément à son article 218, la Constitution reconnait aux personnes suivantes la compétence de proposer une révision constitutionnelle : le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée nationale, le Senat et un groupe de citoyens ordinaires d’au moins 100.000 personnes agissant à travers une pétition adressée à l’Assemblée nationale ou au Sénat ;
4. La révision constitutionnelle peut intervenir à tout moment, sauf lorsque la RDC se trouve dans l’une des situations suivantes : état de guerre, état d’urgence, état de siège, intérim à la Présidence de la République, empêchement de l’Assemblée nationale et du Sénat de se réunir librement (article 219 de la Constitution) ;
5. Les matières suivantes ne peuvent pas être révisées : la forme républicaine de l’État, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire et le pluralisme politique et syndical. En outre, est prohibée toute révision constitutionnelle ayant pour objet ou pour effet la réduction des droits et libertés de la personne ou des prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées (ETD) (article 220 de la Constitution).
D’autres matières sont implicitement intangibles et partant insusceptibles de révision dans la mesure où il s’agit des options fondamentales de la Constitution du 18 février 2006, retenues par toutes les forces politiques et sociales qui avaient participé à son élaboration pendant la transition (2003-2006) et approuvées par voie référendaire par le peuple congolais. Il en est ainsi, notamment, de la nature du régime politique, de la forme de l’Etat et du caractère républicain des forces armées, de la police et de l’administration publique qu’implique l’interdiction de réviser la forme républicaine de l’Etat. Dans tous les cas, ces matières sont intangibles sur la base du principe de « la structure fondamentale de la Constitution » (basic structure doctrine), tel qu’appliqué en droit constitutionnel comparé africain ;
7. En tout état de cause, l’article 220 de la Constitution ne peut pas être révisé. Il s’agit d’une prohibition tacite du constituant qui a voulu préserver sa volonté, l’intangibilité des dispositions qu’il a choisi de verrouiller pour sauvegarder durablement l’identité de l’ordre constitutionnel congolais. Sinon, pourquoi aurait-il prévu des matières intangibles si la disposition même qui les verrouille était révisable ?
8. Une loi portant révision de la Constitution peut être attaquée devant la Cour constitutionnelle lorsqu’elle contient des dispositions contraires à la Constitution.
Par ailleurs, le CREEDA constate que :
1. Une bonne partie des dispositions de la Constitution en vigueur sont soit non appliquées, soit mal appliquées, soit systématiquement détournées à des fins privées ou violées. Il y a une véritable consécration de la culture du non-respect de la Constitution qui régit le pays dans le chef des autorités appelées à la faire respecter ;
2. Une tendance constante des autorités politiques à vouloir adapter la Constitution à leur comportement en lieu et place du contraire. D’où le recours fréquent aux initiatives de révision constitutionnelle et aux discours tendant à se dédouaner de leurs responsabilités publiques prétextant les lacunes ou la mauvaise écriture de la Constitution, et
3. La plupart des révisions constitutionnelles inopportunes énervent les intérêts du peuple et conduisent à l’instauration des dictatures et des régimes autoritaires contraires aux valeurs et principes démocratiques, notamment à la recherche du troisième mandat ou à une Présidence à vie. De ce fait, elles empêchent l’avènement d’un Etat de droit. Le CREEDA recommande :
-Au peuple congolais de :
- Rester vigilant et de se mobiliser contre toute initiative de révision constitutionnelle tendant à anéantir les acquis démocratiques et de l’Etat de droit.
- Exiger aux autorités politiques l’application intégrale et effective de la Constitution en vigueur, y compris le respect de l’indépendance de la justice et la décentralisation politique, administrative, technique et financière, gage du développement participatif du pays et à partir des réalités locales ;
-Aux autorités politiques :
- Eviter les discours populistes mais respecter scrupuleusement les dispositions constitutionnelles relatives à la révision de la Constitution et les instruments juridiques internationaux liant la RDC en cette matière ;
- Tenir compte de la psychose sociale qu’entraine toute initiative inopportune de révision constitutionnelle en RDC dans le contexte où le pays a plus besoin de l’unité ses filles et fils pour faire face aux menaces multiformes qui pèsent sur le destin de la Nation, notamment : la poursuite des conflits armés et l’expansion du terrorisme à l’Est du pays ; les convoitises géopolitiques et des ressources naturelles stratégiques ;l’aliénation culturelle et l’ignorance de masse ; la désarticulation et le sous-développement du système éducatif, surtout au niveau universitaire ; la misère sociale et l’extrême pauvreté de la majorité des congolais, et · Ne recourir à la révision constitutionnelle qu’en cas d’extrême nécessité tout en assurant le débat démocratique et citoyen ainsi que la formation d’un consensus politique national.
Fait à Kinshasa, le 19 janvier 2024
Pour le CREEDA
Moïse ABDOU MUHIMA
Secrétaire Exécutif
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