Rapport JED 2025 : La Presse prise en étau à l'est de la RDC
(Par Jeanne Lagarde, Chargée de plaidoyer Afrique subsaharienne de RSF)
La République démocratique du Congo (RDC) a chuté de 10 places par rapport à l'année dernière dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) en 2025 et occupe désormais la 133 place sur 180 pays et territoires. En cause, la guerre qui sévit à l'est du pays depuis plusieurs années, notamment depuis la prise de la ville de Goma, en janvier 2025, par les rebelles du M23 soutenus par l'armée rwandaise.
L'année 2025 a été particulièrement terrible pour les journalistes du Nord et du Sud-Kivu. Dès le mois de janvier, un directeur de radio communautaire s’inquiétait : Nous ne savons plus quoi faire pour échapper aux bombes qui sont en train de tomber sur les civils. Les journalistes sont ciblés pour leur travail d’information : assassinats, enlèvements, arrestations arbitraires, détentions, agressions, pillages et fermetures de radios communautaires par dizaines, vol de matériel, menaces directes….
Ces atteintes sont accompagnées de leur lot de conséquences. Les radios communautaires, vecteurs d'information de proximité essentiels, sont réduites au silence et reprennent difficilement. Une majorité de journalistes sont contraints de fuir, d'entrer dans la clandestinité et d'abandonner leur travail, laissant un désert informationnel derrière eux. L'autocensure s'installe. En un mot, l'accès à l'information est gravement compromis. Et, alors que la situation exige plus de rigueur que jamais dans le traitement de l'information, il faut aussi composer avec d'autres enjeux. Parmi eux, le contrôle de l'information par les parties prenantes de la guerre : dans les territoires occupés, le M23 interdit de relayer certains médias basés dans la capitale Kinshasa, impose des directives et des éléments de langage, menace les journalistes quand il n'essaie pas de les recruter en tant que communicants. De son côté, le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC), censé être le garant de la liberté de la presse, multiplie les décisions restrictives et la censure.
Alors que la presse est prise en étau entre les violences et injonctions des rebelles du M23 et les menaces des autorités étatiques, que l'insécurité est omniprésente et que les infrastructures nécessaires à la transmission de l’information sont perturbées, vers qui s'informer ? Et comment continuer à le faire ? Ce rapport restitue un travail de recherche et de recueil de témoignages mené par les équipes de Journaliste en danger (JED), partenaire de RSF depuis plusieurs années. Il dresse de manière méticuleuse et à travers plusieurs témoignages un tableau alarmant de la situation des médias et des journalistes à l’est de la RDC depuis la prise de Goma en janvier 2025, et met en lumière la vulnérabilité des professionnels des médias, dont le travail est plus essentiel que jamais.
Il rappelle, enfin, une nécessité trop souvent oubliée : toute solution à cette grave crise doit absolument prendre en compte la protection et le respect du droit à l’information. Ce dernier ne peut être assuré qu'en cessant d'attaquer ou de mettre en danger les journalistes



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