Genecost à Libreville : la mémoire en prière, la colère en silence

Genecost à Libreville : la mémoire en prière, la colère en silence

(Par le Prof. Félix Wata)

 

Depuis 2022, chaque 2 août, les Congolais commémorent le Génocost, un mot fort pour dire l’indicible : les Congolais de Libreville ont rejoint ceux de Kinshasa comme d’ailleurs pour se recueillir et dire « plus jamais ça ».

A Libreville, la tradition a été respectée. Cette fois-ci la messe a remplacé les débats, mais la révolte est toujours aussi vivace.

Dans une atmosphère de recueillement mais pesante de douleurs inavouées, la communauté congolaise de Libreville a marqué la commémoration du Génocost, cette journée qui rappelle les innombrables vies brisées par les conflits successifs qui ravagent la République Démocratique du Congo depuis trois décennies.

A l’église Saint Michel de Nkembo, dans le 2ème arrondissement de Libreville, pas de cris, pas de pancartes. Mais une sobre messe chargée de symboles. Dans chaque regard, dans chaque prière, dans chaque parole des officiants résonnait une révolte sourde contre une communauté internationale devenue complice par son silence.

« Nous prions pour nos morts, mais nous refusons d'enterrer notre mémoire, » confiait sobrement Jean Marie N’sapu, un participant présent à ce culte.

Dérivé des mots « génocide » et « cost » (coût, profit), le terme Génocost désigne les massacres de millions de Congolais liés à la prédation économique et aux guerres par procuration sur le sol congolais depuis 1998.

A travers cette commémoration, les Congolais ont exprimé leur refus de voir leur souffrance diluée dans des simples épanchements hypocrites ou en rester dans les rapports diplomatiques. Ils dénoncent une injustice géopolitique flagrante : alors que le monde s’émeut ailleurs, les morts congolais continuent de s’empiler dans un quasi-anonymat assourdissant.

Silence international et complicités régionales

Au centre de la colère, un acteur bien identifié : le Rwanda

Accusé à plusieurs reprises par l’ONU et diverses ONG avec preuves accablantes   d’être un acteur majeur dans l’exploitation illégale des ressources du Congo via des groupes armés, Kigali reste étrangement ménagé sur la scène internationale. Les Congolais y voient une preuve accablante du double standard. Jusqu’à quand s’interrogent les patriotes congolais qui n’en peuvent plus.

« Le Rwanda est devenu le bras armé d’intérêts plus vastes. Un proxy. Mais qui se cache derrière ? Qui achète le coltan, l’or, les diamants de sang congolais ? », s’est interrogé un jeune intervenant de la communauté. Y aurait-il encore mystère sur l’identité des receleurs. Rien n’est moins sûr !

Les regards se tournent vers les multinationales, les marchés occidentaux, et certaines puissances qui, sous couvert d’aide au développement, ferment les yeux sur l’horreur.

Mais le Génocost, ce n’est pas seulement un cri de douleur. C’est aussi une main tendue vers le futur. Car si les Congolais de l’intérieur et de la diaspora ont décidé de s’inscrire dans la dynamique de commémoration, ils n’entendent pas en rester au stade de simples jérémiades. Décidés à agir aussi et franchir un palier.

S’approprier l’Histoire, réécrire le futur

Ils revendiquent le droit de s’approprier et raconter eux-mêmes leur histoire, loin des récits fabriqués ailleurs, loin des analyses tronquées qui ont tendance à vouloir réduire les drames du Congo à de simples querelles byzantines entre Congolais.

Cette mémoire assumée est aussi le socle d’une ambition plus vaste : celle de porter plus fort le statut de pays solution.

Au-delà de nombreux défis apparents qui se dressent devant eux, les Congolais veulent croire à un destin nouveau. Un pays riche de ses terres, de ses cultures, de ses esprits. Un pays qui peut, s’il se libère des tutelles invisibles et des griffes sanguinaires, devenir une puissance d’équilibre pour l’Afrique. La reconquête de sa souveraineté s’impose de ce point de vue comme bataille ultime.

De l’instabilité sécessionniste remontant aux premières heures d’indépendance, la RDC a traversé des fortunes diverses, alternant heures de gloire et périodes sombres. Maintenant l’on parle de la signature des accords de Washington et de Doha et du dialogue imminent sélectif ou inclusif, c’est selon.

Hier, le pays est passé par d’autres étapes non moins déterminantes comme la Conférence nationale souveraine dans les années 90 ou les accords de Sun City de 2003. A chaque fois qu’elle s’est retrouvée à la croisée de chemins, la RDC a toujours su réinventer des formes de résistance et de résilience.

A un moment donné, il faut savoir se donner les moyens de franchir un cap décisif en mettant fin à un cycle pour passer à un autre.

C’est une question de temps, de sursaut national et surtout de remise en question de la part de tous les pantins agissant comme acteurs bien trempés dans la chaine de complicité interne à cause des intérêts nombrilistes.

« Le Congo ne doit plus être un terrain de pillage, de viols, d’errance. Il doit pleinement jouir son statut de pays solution et s’imposer ainsi comme une source de prospérité, d’espérance et de solutions africaines aux problèmes africains et au-delà de par le monde, » a déclaré un patriote présent à la cérémonie.

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