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Matata Ponyo et Bukanga Lonzo

Matata Ponyo et Bukanga Lonzo

 (Chronique de M. Arthur Kalombo depuis les USA)


*Dans ma dernière Lettre Ouverte au Président Félix Tshisekedi (Suite et fin), j’avais inséré une page de questionnaire addressé à Matata Ponyo sûrement par les financiers qui avaient mis à la disposition du Gouvernement congolais des fonds destinés à lancer le Projet gigantesque, le premier des 22 projets appelés à rendre le Congo auto-suffisant en termes d’alimentation.
Voici qu’un autre article vient d’être publié de Dakar par Reuters sous la plume d’Aaron Rosset datant du 4 octobre 2019, un article riche en détails sur l’Opération Bukanga Lonzo et explique les raisons de son fiasco malgré l’apogée de la fameuse croissance macro-économique tant vantée par le passage de Matata à la Primature du Congo.
En 2014 donc, le Gouvernement congolais annonce avec fracas le lancement d’un vaste projet agro-alimentaire couvrant une superficie de 17.900 Kms carrés superficie équivalant à plus de la moitié de la Belgique afin de subvenir à l’autosuffisance alimentaire du pays. Ce jour de 2014, le Président Kabila Joseph inaugure le site de 800 Kms carrés à Bukanga Lonzo destiné à produire les cultures variées du maïs au tournesol et la volaille.
Trois années plus tard, échec total. Tout s’est arrêté ! Raison avancée, la société sud-africaine, Africom Commodités Pty Ltd, a déposé la clé sur le paillasson et plié bagages pour non-paiement de la contre-partie due aux travaux par le gouvernement Congolais pour une année !
Il est surprenant de voir qu’avec 60% des terres arables mondiales non utilisées, le Congo peine à nourrir sa population toujours croissante !
Au cours d’une interview accordée à la presse, le Ministre de l’Economie, Joseph Kapika de l’époque, reconnaît le fiasco de Bukanga Lonzo tout en blâmant la compagnie partenaire sud-africaine qui aurait fait preuve de mauvaise foi en quittant le Projet. Et d’ajouter que le Gouvernement avait un projet de relancer l’opération avec une nouvelle focalisation sur l’élevage.
Cette accusation est vite rejetée par M. Christopher Gobler, le PDG de la compagnie incriminée qui ne l’entend pas de cette oreille. Il précise que le nœud du problème était dans le coût très élevé de l’opération et l’inconsistance du gouvernement qui, durant les operations, avait la manie insupportable de varier son esprit du jour au lendemain pour modifier la direction du Projet, lequel avait déjà englouti 50 millions de dollars. La compagnie sud-africaine et le gouvernement congolais avaient dépensé 250 millions de dollars avec, en plus, une usine d’engrais. Mais, Bukanga Lonzo produira tout au moins 15.000 tonnes de maïs sur les 350.000 projetées à travers la publicité. Le Ministre de l’Economie s’interdit de relever le montant exact de l’investissement mis dans le projet.
Pas de commentaire de la part du Ministre de l’Agriculture, moins encore du Ministre du Portefeuille qui ne répondit même pas à la demande d’interview par les journalistes de Reuters. Les responsables de Bukanga Lonzo refuseront de se faire interviewer de même que le Directeur Adjoint du Cabinet de Joseph Kabila ne répondit pas à l’appel.
Le leitmotiv a la base de Bukanga Lonzo était que le peuple mourrait de faim. Le planificateur de ce Projet fut John Ulimwengu, un fervent défenseur de l’agro-industrie et membre de l’Institut International de Recherche de la Politique Alimentaire à Washington, D.C. C’est Ulimwengu qui, en 2013, conseilla Matata Ponyo, alors Premier Ministre qu’il convainquit de lancer un Projet Pilote de production alimentaire pour la consommation locale et l’exportation.
Certaines personnes comme Calestous Juma, Professeur d’Innovation des Fermes à l’Université Harvard, conseilla Matata de faire d’autres recherches avant de s’embarquer dans Bukanga Lonzo. Ulimwengu avait rencontré Juma en janvier 2014, d’après leur récit à Reuters. A l’heure actuelle, Juma est déjà parti de ce monde.
Mais, Matata Ponyo était déjà pressé de voir le Projet Bukanga Lonzo avancer rapidement, selon Ulimwengu qui se rappelle avoir entendu Matata se dire qu’il était un politicien et, de ce fait, avait des promesses faites à la population. Pendant que nous sommes en train de parler, le peuple meurt de faim !
Gloria Mangoni, qui travaillait dans le cabinet du Premier Ministre à l’époque, dit qu’ils étaient sous pression pour obtenir quelques résultats rapides étant donné que les considérations politiques prévalent sur les considérations économiques. Mais, comme Matata sera remplacé en 2016, il s’abstint de répondre à la demande d’une interview pour un commentaire sur Bukanga Lonzo.
Dans une récente déclaration, Matata Ponyo a fait allusion à la pauvreté du sol du site Bukanga Lonzo. Quant à Ulimwengu, il continue à supporter l’approche de l’agro-industrie. D’après lui, l’échec de Bukanga Lonzo était surtout dû à l’instabilité politique du Congo qui a effrayé les investisseurs.
Au fait, en 2014, le Gouvernement congolais avait signé un contrat de 5 ans avec Africom, la compagnie sud-africaine dont une compagnie sœur devait implanter une usine d’engrais chimiques. L’investissement total était de 161 millions et 200 mille dollars américains dans le Projet Bukanga Lonzo. La motivation était de voir l’écoulement des produits vivriers sur Kinshasa tout en fournissant des engrais aux planteurs congolais. Africom dit avoir investi 91 millions et 300.000 de dollars américains dans ce projet.
En 2015, une firme d’audit, Ernst & Young, tira un signal d’alarme dans un rapport coordonné par le Ministère des Finances.
Cette firme indiquera que les prix payés pour l’équipement auprès de la firme sœur d’Africom, étaient très excessifs par rapport à ceux de la concurrence et les promesses n’étaient pas concrétisées.
Pour Africom, ‘’la firme d’audit n’avait pas pris en compte les prix élevés des garanties et des pièces de rechange au Congo. L’audit avait mal interprété la nature de certains travaux promis. Ernst & Young estima que cela se passait de tout commentaire.
En 2016, le Gouvernement arrêta de payer sa contribution mensuelle de 4 millions 800 mille, paiement dû à Africom en tenant compte de la chute des prix des matières principales d’exportation du Congo, à savoir, le cuivre et le cobalt’’, avait déclaré Gobler, le PDG d’Africom.
Bukanga Lonzo, un exemple de l’approche africaine de megestion
Avec un déficit alimentaire chiffré à des milliards de dollars américains face à une croissance incroyable de malnutrition parmi les populations, l’Afrique recherche des voies pour renforcer sa productivité agricole. Quelques pays comme le Nigeria et la Tanzanie sont tournés vers les grands espaces pour l’implantation des sites agro-industriels avec une concentration de grandes fermes avec des usines de transformation et des infrastructures suivant les modèles indien, brésilien et vietnamien. Mais, les efforts en Afrique sont restes limites d’après le rapport des Nations Unies de 2017.
Certaines spécialités de l’Innovation de l’Agriculture reconnaissent que cette pratique de grands espaces peut marcher mais, l’approche africaine reste floue. Personne n’a encore imaginé quel modèle serait appliqué avec succès.
La Banque Africaine de Développement est malgré tout optimiste pour accélérer des projets, tel que Bukanga Lonzo dans lequel elle avait place 1 million de dollars pour une étude de faisabilité.
Elle dit avoir consenti 101 millions pour la Cote d’Ivoire. D’autres dossiers de financement sur la table pour l’Ethiopie, le Togo, le Mozambique etc.
M. Chawki Chahed, porte-parole de la BAD, répondant aux questions de Reuters par courriels, estime que Bukanga Lonzo n’a pas été un échec et pourrait être remis sur les rails, en ajoutant qu’en général, ce genre des projets sont complexes et leur développement est graduel.
La BAD avait ainsi un plan pour investir 2 millions 200 mille dollars américains dans les études de faisabilité pour trois autres projets au centre et au centre-est du Congo sans spécifier quand ces études pourraient commencer.
NOTRE COMMENTAIRE
1. Joseph Kabila ne gérait pas le pays. Ce sont ses hommes à tout faire congolais qui l’endormaient pour piller systématiquement le pays en lui faisant porter le chapeau. Bukanga Lonzo est un cas d’autopsie de la gestion du Congo pendant 18 années de Kabila au pouvoir. Je ne l’excuse pas totalement mais, je suis en train d’analyser le cas Bukanga Lonzo.
2. Le Projet Bukanga Lonzo a été initié par Ulimwengu, un spécialiste et Professeur à Harvard qui, en tant que tel, avait donné de bons conseils au Premier Ministre comme le ferait n’importe quel africain et surtout congolais. Juma s’était joint à l’équipe pour conseiller au Premier Ministre la recherche d’autres voies avant de se lancer tête baissée dans Bukanga Lonzo.
3. Matata va s’entourer de ses collaborateurs triés par intérêt et va leur mettre du feu au cul pour s’activer au nom des promesses faites au peuple qui crevait de faim, en ajoutant que les préoccupations politiques étaient au-dessus de celles économiques. Par là, Matata choisit des acteurs d’une manière hétéroclite sans tenir compte de la composition. Ce Projet pouvait simplement être confié au Ministère de l’Agriculture qui est très bien outillé à commencer par les Instituts d’Etudes Agronomiques de Yangambi, Kasese, Gandanjika, Congo Central, Lubumbashi etc…Matata met son Ministre de l’Economie et même du Portefeuille, de la Fonction Publique on ne sait pas trop pourquoi. Il place à Bukanga Lonzo ses hommes de main. Dans tout cela, Kabila écoute tout ce que Matata lui raconte à l’oreille.
5. L’empressement n’était pas pour le peuple qui mourrait de faim mais, celui de gagner de l’argent vite fait.
6. La preuve que l’argent était bien distribué, personne de celles contactées pour commentaire sur l’échec de Bukanga Lonzo n’a pu parler. Au moins le Ministre de l’Economie de l’époque a pu raconter ce qu’il pouvait. Le silence le plus étonnant est celui du Ministère de tutelle de l’Agriculture. Comment l’échec d’un tel projet pouvait le laisser indifférent ? Même Ulimwengu a excusé l’échec en dédouanant Matata pour l’instabilité politique au Congo. Malgré cela, le porte-parole de la BAD dit soutenir d’autres projets sans parler de revoir des conditions.
6. Le Président Tshisekedi vient d’inaugurer un laboratoire agricole considéré comme international. Y voit-il clair vraiment ? Ces projets en termes de financement sont coûteux pour le Congo. Le Congo possède déjà tout pour le lancement de l’Agriculture au niveau agro-industriel. Les archives de l’INEAC et des facultés d’Agricultures pour démarrer sur le chapeau des roues. Je lui ai brossé un synopsis de l’Agriculture qui peut être complété par le Ministère de manière qu’il sache où il met les pieds.
7. Le Congo est déjà surendetté par la corruption et les détournements divers. Cet argent-là, il faudra le payer, peu importe qu’il ait ou non servi le peuple congolais. A cela, il faut ajouter de nouvelles dettes qu’il faudra toujours payer. La question est de savoir quand est-ce que le Peuple d’Abord pourra respirer, enfin ? Vous aviez déclaré à la radio Top Congo qu’une fois à la tête du pays, vous alliez faire un état de lieu pour savoir où mettre les pieds. Souvenez-vous en !

 

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